Les oiseaux des campagnes sont en train de disparaitre à vitesse grand V ! Selon deux études menées sur plusieurs années par les chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle et ceux du CNRS, les populations d’oiseaux des champs se sont réduites d’un tiers en 15 ans ! Certaines espèces, comme les perdrix, ont été littéralement décimées. Et la tendance, hélas, n’est pas prête de s’infléchir. Le printemps 2018 risque d’être sans oiseaux dans certaines régions céréalières …
En 1962, la biologiste américaine Rachel Carson publiait un livre devenu un grand classique de la littérature écologiste, intitulé Printemps silencieux (Silent spring), dans lequel elle tirait la sonnette d’alarme à propos de l’insecticide le plus utilisé à l’époque, le DDT de sinistre mémoire : si rien n’était fait, il allait exterminer tout les oiseaux, éteignant à jamais leurs chants qui enchantaient le printemps.
Cela fait 45 ans que le DDT est interdit en France, et malheureusement, cette terrible prophétie est plus que jamais d’actualité. Deux études au long cours, menées sur plusieurs années à une échelle locale par le CNRS (Centre national de recherche scientifique) et nationale par le Museum national d’Histoire naturelle ont mis en évidence une nette diminution des populations d'oiseaux vivant en milieu agricole depuis les années 1990. L’étude menée par le Museum montre un net déclin de l’alouette des champs, la fauvette grisette ou le bruant ortolan par exemple, qui ont perdu en moyenne un individu sur trois en quinze ans. Un déclin qui s’est encore intensifié en 2016 et 2017.
L’étude du CNRS, menée sur la Zone atelier « Plaine & Val de Sèvre », est encore plus alarmante. Depuis 1995, les chercheurs ont suivi dans les Deux-Sèvres 160 zones de 10 hectares d’une plaine céréalière typique des territoires agricoles français. En 23 ans, toutes les espèces d'oiseaux de plaine ont vu leurs populations fondre : l’alouette perd plus d'un individu sur trois (-35%) et, avec huit individus disparus sur dix, les perdrix sont presque décimées. Cette chute frappe toutes les espèces d’oiseaux en milieu agricole, aussi bien les espèces dites spécialistes - fréquentant prioritairement ce milieu -, que les espèces dites généralistes - retrouvées dans tous les types d’habitats, agricoles ou non. Or, il se trouve que les espèces généralistes ne déclinent pas à l’échelle nationale ; la diminution constatée est donc propre au milieu agricole.
Les responsables de cette hécatombe ont été clairement identifiés : la fin des jachères imposées par la politique agricole commune, la flambée des cours du blé, la reprise du sur-amendement au nitrate permettant d'avoir du blé sur-protéiné et, bien évidemment, la généralisation des néonicotinoïdes, insecticides neurotoxiques très persistants. Le DDT de notre siècle ! A cause des néonicotinoïdes, la population d’insectes, source première de nourriture pour les oiseaux s’est en effet littéralement effondrée dans la campagne : une étude menée sur 27 ans en Allemagne, rendue publique en 2017, a conclu que la population des insectes volants avait chuté de 75% en moins de trente ans !
Le printemps 2018 risque d’être bien silencieux au-dessus des champs de céréales… Ce n’est pas seulement une catastrophe écologique qui se profile à l’horizon, un horizon très, très proche, c’est bien pire que ça : un monde ou les oiseaux ne chantent plus. Peut-on seulement l’imaginer ?
L'alouette des champs, bientôt portée disparue. Qui osera encore chanter :
"Alouette, gentille alouette / alouette, je te plumerais"